Un supplément publicitaire
L’anthologie annuelle et bilingue La Liesette Littéraire publie des textes d’ancien·nexs et d’actuel·lexs étudiant·exs de l’Institut littéraire suisse. Une rencontre avec les rédacteurices et les enseignant·exs de la HKB Bettina Wohlfender et Arno Renken.
C’est le numéro 10. Oui, du coup j’ai fait… Si maintenant 25, moins 15, ça ferait 10. 2010. Mais du coup, c’est moins… 14. Ça a commencé en 2010, mais la première a été publiée en 2011. Ah, c’est ça. C’est ça. Le travail a commencé en 2010, mais la première édition est sortie en 2011.
Pourquoi c’est devenu un journal ? Oui, oui, oui, bien sûr, on y va. L’idée de départ c’était Urs. Parce que lui était éditeur. Et il a rencontré Marie, et il a proposé à Marie de faire une revue littéraire pour l’Institut littéraire suisse qui venait de se créer. Son idée c’était de dire on fait un format journal d’abord, parce qu’il trouvait chouette, pas trop noble. Et puis surtout parce que ça réglait le problème de la diffusion. C’est-à-dire l’idée c’était de faire un format journal qui ressemblait toujours au format d’un journal réellement existant, par exemple, le Courrier, les différents journaux avec qui on a collaboré, et que la Liesette soit un supplément de ces journaux de manière à pouvoir être distribuée directement par milliers d’exemplaires chez les abonné·exs et dans les kiosques.
Et puis, il y a eu la crise des journaux, de la presse écrite, qui est venue. Et du coup, après, tout d’un coup, iels nous répondaient, OK, mais c’est comme un supplément publicitaire. C’est des milliers de francs, quoi, de faire un supplément publicitaire. Profitons de ce moment pour essayer de réfléchir avec la rédaction à une nouvelle forme de Liesette. On a travaillé ensemble avec les étudiant·exs de graphisme, c’était vraiment chouette. Iels ont fait une proposition de gros livres. Il y avait plein de textes, d’ateliers, et des portraits d’ancien·nexs. OK. Je crois qu’il y a deux ou trois centaines de pages dans ce truc, c’est énorme. Alors on a réfléchi à une nouvelle forme encore. On voulait être engagé·exs dans ce processus de production, tout le long, avoir des choix. Du choix des textes à la reliure des exemplaires, le comité est impliqué dans toutes les étapes maintenant ! Ça fait ce grand carnet, plié, façonné à l’institut par nous toustes.
Forme
Alors, comment, qu’est-ce que c’est la Liesette ? Il y a toujours une traduction dans l’autre langue par les membres de la rédaction. C’est des textes littéraires qui répondent à un appel avec un thème. Cette année, c’était 9 doigts / 15 Finger. C’est quand même plus, c’est des textes, enfin, encore moins posés, peut-être, je ne sais pas comment on peut dire ça, c’est des textes d’étudiant·exs et d’alumni·exs de l’institut. Pas forcément terminés. Très en mouvement, enfin, un peu… frais ! Et du coup, c’est aussi pour ça que le layout a ce truc continu. Enfin, c’est toujours divisé, t’as la page A3, et puis il y a toujours le texte, il dépasse du milieu, ça veut dire que le prochain titre vient sur le prochain carré. Du coup, la graphiste, elle sait le thème de l’année, elle sait les noms, elle sait que ça sera imprimé en riso, elle sait la ligne générale, puis après, elle fait une proposition. Non, c’est toujours très bien. Ensuite, on plie. Ouais, donc c’est imprimé sur place là-bas, à Bümpliz, la couverture. Le reste est imprimé ici, sur un joli papier. Et après, on termine tout ici. La pliure, la reliure.
Oui, je crois qu’il y a quand même, pédagogiquement, beaucoup, je trouve, qui s’apprend avec la Liesette. Lire un texte, discuter un texte, trouver les arguments pour un texte, traduire les textes, relire les textes les uns des autres, donner un retour. Ensuite la production, ensuite la lecture. Enfin, c’est vraiment un truc un peu A-Z qui se passe dedans. Et je trouve que c’est tellement enrichissant !
Processus éditorial
Je trouve que ça a un peu bougé, la ligne éditoriale. C’était pas très clair. J’ai l’impression qu’avec Urs, à l’époque, on était toujours un peu… ça dépend énormément des rédactions ! Mais le truc qui a été une sorte de tension, c’est de savoir ce que c’est, une revue d’école. Il y a toujours eu cette question : est-ce qu’on laisse les enseignant·exs écrire dans la revue ? Non. C’est compliqué pour des étudiant·exs de dire non à leurs personnes responsables du mentorat. C’est plus simple entre camarades, même si, parfois, ça pique quand c’est un·ex pote. Y a eu des cas où c’était délicat, mais voilà, on a jamais vraiment dévié de cette règle.
Tout dépend surtout des générations de rédactions. Certaines sont plus strictes, veulent des textes finis, nickel. D’autres, plus punk, acceptent des trucs en cours d’écriture, moins établis. On essaie de pas trop imposer de ligne, ça se décide dans les discussions. Nous, les responsables, on est là, on parle, mais on vote pas. On fait gaffe à pas trop peser, même si notre avis compte.
Y a eu des cas où on est intervenu, notamment avec des textes problématiques. Mais c’est rare qu’on s’en mêle autant. En gros, on essaie de garder un équilibre entre libertés et limites. Mais les dynamiques entre étudiant·exs, enseignant·exs et le cadre du journal rendent tout ça toujours un peu mouvant.
Pour la Liesette, y a pas idée d’améliorer un texte. Il y a beaucoup d’originaux qui ont changé grâce à la traduction. C’est tout. C’est toujours un truc, en traduisant tu vois les choses qui ne jouent pas. Aussi, en tant qu’éditeurice, tu dois non seulement décider pour chaque texte, mais tu dois décider aussi d’une constellation de textes et la manière dont ils fonctionnent les uns avec les autres. Il y a des textes très délicats, si tu les mets en relation avec d’autres textes, ils vont peut-être être un peu détruits par d’autres. Donc la question aussi c’est de savoir comment est-ce qu’on fait l’agencement, comment est-ce qu’on fait un ordre. C’est une question légitime pour une rédaction de se dire, ce texte on l’aime bien, mais il va avoir un effet sur le tout et les autres textes. On prend aucune décision tout de suite. On prend toutes les décisions en même temps à la fin. Quand tout le monde connait tout. Est-ce que ce texte est intéressant dans l’ensemble ? C’est assez incroyable, je trouve. C’est-à-dire que, en fait, éditer, c’est faire un ensemble. On publie jamais un texte dans la Liesette, on publie des textes, qui font quelque chose les uns avec les autres.
Jubilé
En fait, le numéro 9 n’a jamais existé, et puis la Bibliothèque Nationale, elle nous a écrit, est-ce que vous pourriez envoyer le numéro 9, il manque. Il faut le faire maintenant. Ouais, il y a un bug dans le système. Après celui des doigts, c’est le jubilé. On fait quoi ?
Ça serait beau. Ça serait drôle, ouais. Tu mets du citron là-dessus. Oui. Tu chopes le papier. T’as déjà essayé du jus de citron ? Ça marche moyen. Ouais. Moi j’ai essayé. Mais euh, non, il y a quelque chose, alors imaginez, je trouve.