Perlenkettenbrief Vol. 3

Chère (le nom est connu de la rédaction),  

Je me permets de t’écrire parce que je participe à cette Perlenkettenbrief. Je préfère te prévenir tout de suite : ceci n’est pas un e-mail. Pas un e-mail comme les autres. Pour une fois, j’ai l’occasion d’écrire un e-mail non pas pour organiser, fixer, rappeler, relancer, confirmer, annuler, savoir, demander, transmettre, mais simplement pour écrire. Écrire un e-mail. J’ai plus de six mille e-mails dans ma boîte @hkb.bfh.ch – sans compter tous ceux que j’ai gelöscht – mais jamais je n’ai écrit un e-mail qui n’ait d’autre ambition que celle-ci : écrire un e-mail. 

Écrire un e-mail comme un poème
un méta-e-mail
un e-mail qui réfléchit sa propre forme
un e-mail qui finira imprimé dans la HKB-Zeitung qui finira dans une corbeille à papier
– du data center au container
un e-mail à toi avec toute la HKB en Cc 

La personne qui m’a écrit avant n’avait pas beaucoup de temps, et elle a archiviert cet échange d’e-mails sitôt sa contribution envoyée. Je me demande si les auteur·e·s archivent leurs e-mails dans l’espoir qu’on les publie après leur mort dans un gros volume de correspondances sans intérêt :  

Bien reçu ton roman, merci !
Bien affectueusement <3,
Ta maman 

———

Merci pour votre email. Je suis absent jusqu’au 3 décembre, votre message ne sera pas traité d’ici là. Je vous répondrai à mon retour.
Meilleurs messages littéraires,
JD
Ecrivain, scénariste, nouvelliste, chroniqueur, éditeur 

J’espère que cela n’arrivera jamais.
Ce qui se passe sur Outlook doit rester sur Outlook.  

Un bon moyen pour allier e-mail et poésie serait d’envoyer chaque jour un poème avec l’humanité entière en Cci. Je suis sûr que c’est faisable pour Google et Microsoft. 

Pardonne-moi pour ce mail si décousu, je t’avais prévenu : ceci n’est pas un mail / Das ist keine Mail.
J’espère qu’il y a de la poésie dans ta boîte à mails. 

Bien cordialement,
Le nom est connu de la rédaction